Les banques européennes, a priori conscientes de l’emprise des géants américains comme PayPal, Visa, MasterCard, Apple Pay et Google Pay sur le marché des paiements, ont décidé de riposter en unissant leurs forces. Ainsi, 14 groupes bancaires européens, incluant tous les établissements français majeurs comme BNP Paribas, Crédit Agricole, BPCE, Crédit Mutuel, Société Générale et La Banque Postale, ont lancé un portefeuille numérique paneuropéen baptisé Wero. Ce service vise à offrir une alternative aux solutions de paiement américaines et s’adresse dans un premier temps aux particuliers.
D’ici janvier, les clients des banques françaises pourront profiter de Wero pour effectuer des virements instantanés, remplaçant progressivement les chèques et espèces.
Le fonctionnement de Wero est simple : en connaissant le numéro de téléphone ou l’adresse e-mail du destinataire, il sera possible d’envoyer de l’argent en un instant. Contrairement à des solutions comme PayPal ou Lydia, dans certains cas, Wero permet des virements immédiats grâce à l’association d’un numéro de téléphone ou d’un courriel à un compte courant. Notons cependant que Paypal permet aussi des virements instantanés.
Les utilisateurs auront aussi la possibilité de générer des QR codes individuels pour sécuriser leurs transactions sans partager leurs coordonnées téléphoniques. De plus, à terme, Wero permettra des virements transfrontaliers dans des pays partenaires tels que l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.
L’application sera disponible via les apps des banques participantes, sauf pour La Banque Postale qui proposera une application dédiée.
Si l’accès à Wero sera gratuit au lancement, des frais de gestion de compte pourraient à l’avenir être augmentés par les banques pour compenser les coûts liés à ce service. En d’autres mots, si les banques s’aperçoivent que ça marche et que les gens sont accros, ils factureront .. Rappelons que l’argent liquide est lui sans frais…
En France, Wero remplacera Paylib, une solution de paiement entre particuliers qui, malgré ses 35 millions d’utilisateurs inscrits, n’a pas atteint les objectifs escomptés. Les raisons évoquées sont un manque d’harmonisation entre les banques et une communication trop timide. Avec Wero, une approche plus coordonnée et cohérente est envisagée, notamment avec une promotion collective active de cette nouvelle solution.
Si Wero marche, elle pourra également remplacer d’autres applications utilisées si les banques arrivent à convaincre les utilisateurs que c’est mieux et surtout plus sécurisé.
Dans un second temps, Wero s’étendra au paiement chez les commerçants physiques et en ligne. À partir de 2025, il sera possible d’utiliser ce portefeuille numérique pour régler des achats dans des petits commerces grâce à des virements instantanés. Le paiement par QR code dans les grandes enseignes, en revanche, n’arrivera qu’après 2026, lorsque des tests auront été menés. Pour les commerçants, les coûts de ce nouveau système devraient être modiques, un argument qui pourrait favoriser son adoption rapide.
Les enjeux sont énormes pour les banques. Le marché des paiements, qui génère chaque année 2 200 milliards de dollars de revenus à l’échelle mondiale, est devenu extrêmement compétitif. De nouveaux acteurs, comme les fintechs, grignotent peu à peu les parts de marché des banques traditionnelles. Il est donc impératif pour ces dernières de s’imposer dans le secteur des paiements numériques pour conserver leur relation client et proposer des services complémentaires.
Ceci dit, ce n’est pas la première fois que les banques européennes tentent de reprendre le contrôle. Il y a plus de 10 ans, elles avaient déjà essayé de lancer une carte bancaire paneuropéenne avec le projet Monnet, qui a échoué en raison de désaccords internes. Aujourd’hui, les banques cherchent à sauter l’étape de la carte bancaire en se concentrant sur le virement instantané, une technologie qui pourrait remplacer les cartes d’ici vingt ans.
Le timing est crucial. D’un côté, Visa et MasterCard se préparent déjà à déployer des technologies similaires basées sur des rachats d’entreprises spécialisées.
De l’autre, la Banque Centrale Européenne envisage de lancer l’euro numérique dès 2028, une monnaie digitale qui pourrait concurrencer Wero si ce dernier n’atteint pas rapidement une masse critique d’utilisateurs. Les banques doivent donc faire vite pour que leur solution s’impose avant l’arrivée de ce concurrent redoutable.
Le succès de Wero dépendra de sa capacité à capter l’attention du grand public, mais aussi de sa facilité d’utilisation dans tous les cas de figure : paiements entre particuliers, achats en ligne et règlements en magasin.