Les escroqueries bancaires se multiplient, et les banques, souvent promptes à accuser leurs clients de négligence, sont pourtant loin d’être irréprochables. Parmi les arnaques en plein essor, le spoofing – ou usurpation d’identité bancaire – est devenu un fléau. Un fraudeur se fait passer pour un conseiller bancaire, prétextant une alerte de sécurité pour inciter sa victime à effectuer des opérations frauduleuses. Résultat : des sommes parfois considérables disparaissent des comptes, et les clients peinent à obtenir réparation. Voir Refus de remboursement par la banque suite à une fraude bancaire: que faire ?
Heureusement, la justice tend à rappeler aux banques leurs obligations.
Une banque alertée ne peut pas fuir ses responsabilités
Les tribunaux commencent à sanctionner les banques qui refusent de rembourser leurs clients victimes de fraude. Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. com., 23 oct. 2024, n°23-16.267) a marqué un tournant en faveur des victimes. Une personne avait été trompée par un faux conseiller bancaire et avait autorisé des virements frauduleux pour 54 500 euros. Dès qu’elle a compris l’arnaque, elle a immédiatement prévenu sa banque, la BNP Paribas.
Mais la BNP a refusé de rembourser, prétendant (cas classique) d’une prétendue « négligence grave » de la victime.
La Cour de cassation a rejeté cet argument, considérant que lorsqu’un escroc se fait passer pour un employé de la banque, il est difficile pour un client moyen de détecter la fraude. La banque a donc été tenue responsable et a dû indemniser la victime.
Des jugements de plus en plus favorables aux victimes
D’autres décisions judiciaires récentes confirment cette tendance. Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement le 15 janvier 2025 dans une affaire similaire. Là encore, la BNP Paribas était en cause.
Le mode opératoire de l’escroquerie
- La victime reçoit un SMS semblant provenir de sa banque, indiquant que sa carte bancaire est restreinte pour « suspicion de fraude ».
- Peu après, elle est appelée par un individu se présentant comme un employé du « service opposition sur carte bancaire ». L’appel provient d’un numéro officiel de la banque, usurpé par les fraudeurs. (Et c’est là un élément essentiel car si l’appel vient d’un 06 ou 07 par exemple, le client de la vraie banque fait alors preuve de négligence s’il croit que la vraie banque l’appelle !)
- L’escroc évoque des paiements suspects et convainc la victime de modifier son code d’accès à son compte en ligne.
- Pensant que la banque protège son compte, la victime suit les instructions.
- Quelques jours plus tard, elle constate des débits frauduleux pour un total de 14 312,19 euros.
La responsabilité de la banque
Lorsqu’elle découvre la fraude, la victime contacte immédiatement la banque et lui signale la situation par e-mail. Réaction de la BNP Paribas ? Aucune. Les transactions frauduleuses continuent.
Le tribunal a alors analysé les faits :
- Les opérations effectuées avant que la victime ne prévienne la banque ont été considérées comme de sa responsabilité, puisqu’elle avait communiqué des informations confidentielles.
- En revanche, toutes les transactions réalisées après que la victime a alerté la banque relèvent de la responsabilité de cette dernière.
La BNP Paribas a donc été condamnée à rembourser 11 067,19 euros, en plus de 2 000 euros de frais de procédure.
Pourquoi les banques peinent à prouver la négligence des clients
Les banques tentent souvent d’échapper à leurs obligations en accusant leurs clients d’avoir imprudemment transmis des informations aux escrocs. Pourtant, juridiquement, la charge de la preuve repose sur l’établissement bancaire.
Une banque doit démontrer :
- Que les transactions frauduleuses ont été effectuées avec une authentification forte.
- Qu’aucune faille technique n’a compromis la sécurité du système.
Or, il est extrêmement difficile pour une banque de prouver que l’opération a été autorisée volontairement par le client, surtout lorsque celui-ci a été manipulé par un fraudeur usurpant l’identité d’un employé bancaire.
Souvent, au nom des systèmes de « sécurité » et d’authentification (Comme le Secure ID
Comment réagir en cas de fraude bancaire ?
Face à une escroquerie de type spoofing, voici les réflexes à adopter immédiatement :
- Ne jamais valider une opération à la demande d’un « conseiller bancaire » qui vous contacte par téléphone. Votre banque ne procède jamais de cette manière.
- Ne communiquez jamais vos codes d’accès, clés digitales ou autres informations sensibles.
- Contactez immédiatement votre banque par un canal officiel (numéro inscrit sur votre carte bancaire ou application bancaire sécurisée).
- Exigez une confirmation écrite de votre signalement.
- Déposez une plainte auprès des autorités compétentes (police ou gendarmerie).
- Si votre banque refuse de vous rembourser, saisissez le médiateur bancaire et, en dernier recours, engagez une action en justice.
Les banques savent désormais qu’elles ne peuvent plus se cacher derrière l’argument de la « négligence grave ». Dès lors qu’une alerte leur est adressée, elles doivent agir, faute de quoi elles peuvent être condamnées à indemniser les victimes.