Tout comprendre sur la titrisation : un levier financier complexe et controversé

La titrisation est une mécanique financière au cœur des marchés, qui mérite qu’on s’y attarde pour en saisir les rouages, les enjeux et les dérives potentielles.

Elle repose sur une idée simple en apparence : transformer des actifs peu liquides, comme des créances ou des crédits, en titres financiers facilement échangeables sur les marchés, comme des obligations. Mais derrière cette apparente simplicité, se cachent des implications souvent méconnues.

la titrisation, une technique née pour libérer les banques

Apparue dans les années 1970 aux États-Unis, la titrisation a d’abord permis aux banques de contourner leurs limites d’octroi de crédits. En effet, elles ne peuvent prêter qu’en fonction de leurs propres ressources. Pour augmenter leur capacité à distribuer des crédits, elles ont commencé à céder leurs créances à des investisseurs via des structures intermédiaires. Ces structures, appelées Special Purpose Vehicle (SPV) ou Special Purpose Company (SPC), jouent un rôle essentiel. Elles achètent les créances aux banques, puis émettent des obligations adossées à ces créances, qui sont ensuite vendues à des investisseurs.

Ces titres, adossés à des actifs sous-jacents, sont assortis d’une promesse : les flux financiers générés par les actifs (par exemple, les remboursements des crédits) servent à payer les intérêts et à rembourser les obligations. En somme, les investisseurs achètent une part des flux financiers futurs des créances titrisées.

des actifs variés et une segmentation sophistiquée

Avec le temps, la titrisation s’est complexifiée. Différents types d’actifs peuvent être titrisés : titrisation des crédits immobiliers, titrisation des prêts commerciaux, des loyers, des créances commerciales, ou encore des redevances (royalties). La diversité des actifs a conduit à une segmentation des produits financiers issus de la titrisation :

  • CDO (Collateralized Debt Obligations) : Obligations adossées à des créances variées.
  • CBO (Collateralized Bond Obligations) : Titres garantis par des obligations.
  • CLO (Collateralized Loan Obligations) : Obligations adossées à des prêts commerciaux.
  • MBS (Mortgage Backed Securities) : Titres adossés à des crédits hypothécaires.

En théorie, tout actif générant des flux financiers prévisibles peut être titrisé. Cette polyvalence a contribué à une explosion du volume des titrisations : entre 2000 et 2007, l’émission globale de CDO est passée de 150 milliards à 1,2 trillion de dollars, soit une multiplication par huit.

les dérives et limites du système

La crise des subprimes de 2007 a révélé les failles structurelles de la titrisation, notamment aux États-Unis. En titrisant des crédits immobiliers de mauvaise qualité (subprimes), les banques ont transféré des risques massifs aux investisseurs. Les faiblesses identifiées incluent :

  1. Mauvaise qualité des créances titrisées : Des crédits accordés à des emprunteurs peu fiables ont été intégrés dans les portefeuilles.
  2. Opacité des produits : La complexité des titres titrisés empêchait souvent d’identifier les risques réels.
  3. Rôle contestable des agences de notation : Elles attribuaient des notes élevées à des produits financiers risqués, induisant en erreur les investisseurs.

Ces dérives ont transformé la titrisation en un vecteur de propagation des risques, contribuant à l’effondrement du système financier mondial en 2008.

la titrisation en europe : un cadre réglementaire plus strict

Face aux critiques, l’Europe a revu sa copie. Depuis 2019, le règlement européen sur la titrisation impose des règles strictes aux banques pour limiter les abus. Ce cadre, appelé STS (Simple, Transparent, Standardisé), vise à garantir la qualité des actifs titrisés et à offrir une transparence accrue. Les banques doivent désormais prouver que leurs créances sont solides et fournir des informations claires sur la composition des portefeuilles.

La titrisation: un levier puissant, mais à manier avec précaution

La titrisation, lorsqu’elle est bien encadrée, peut être un outil efficace pour dynamiser l’économie. Elle permet aux banques de libérer des ressources pour octroyer de nouveaux crédits, favorisant ainsi l’investissement et l’emploi. Toutefois, les leçons de la crise des subprimes rappellent que son utilisation sans garde-fous peut conduire à des catastrophes financières.

Pour les particuliers et les investisseurs, la vigilance reste de mise. Les produits issus de la titrisation, bien que promettant des rendements attractifs, peuvent cacher des risques élevés. Dans un contexte où les banques cherchent à maximiser leurs profits, il est essentiel de comprendre les mécanismes sous-jacents et de ne pas se laisser séduire par des promesses de gains rapides.

Bien entendu, on pense beaucoup à la titrisation pour résoudre en partie les problèmes de dettes des états mais cette pratique, si elle était utilisée en Occident, n’obtiendrait pas l’assentiment des agences de notation (https://www.lesechos.fr/2018/02/la-titrisation-des-dettes-detat-inquiete-les-emetteurs-967389 ).

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