Depuis son instauration en France en 2012, la taxe sur les transactions financières (TTF) suscite débats et controverses. Si son objectif affiché est de freiner la spéculation et de générer des recettes fiscales, son efficacité et son impact réel sur les marchés financiers restent discutables. La situation se complique encore avec les tentatives d’harmonisation au niveau européen, qui peinent à aboutir face aux résistances des acteurs du secteur.
La taxe sur les transactions financières en Europe : un projet inabouti
L’idée d’une taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne a été portée dès 2013 par la Commission européenne. Le principe ? Prélever un pourcentage sur les transactions effectuées par les institutions financières sur le marché secondaire. Sont concernés les échanges d’actions, d’obligations, de parts d’OPC, ainsi que les prêts-emprunts de titres. Le taux envisagé était de 0,1 % sur ces produits et de 0,01 % sur les produits dérivés.
À l’origine, 11 pays s’étaient engagés à appliquer cette taxe : la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Autriche, le Portugal, la Slovénie, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, l’Estonie et la Slovaquie. Depuis, l’Estonie s’est retirée du projet, réduisant à dix le nombre d’États participants. Malgré des années de discussions, l’application effective de cette taxe reste incertaine, faute d’accord sur l’affectation des recettes collectées.
Un principe fondamental régit cette taxe : celui de la résidence. Une transaction est taxée dès lors qu’un des acteurs est domicilié dans l’un des dix pays participants ou que le produit échangé y a été émis. Concrètement, une action d’une société française échangée à l’étranger est concernée par la TTF.
L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) estime que cette taxation pourrait rapporter entre 5 et 6 milliards d’euros par an, mais elle implique un coût de gestion non négligeable pour les organismes collecteurs.
La taxe sur les transactions financières en France : une fiscalité spécifique
Indépendamment des tergiversations européennes, la France a instauré sa propre taxe sur les transactions financières le 1er août 2012 via la loi de finances rectificative de mars 2012. Initialement fixée à 0,2 %, elle a été portée à 0,3 % à partir du 1er janvier 2017.
Cette taxe concerne les achats d’actions des entreprises dont le siège est en France et dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d’euros au 1er janvier de l’année d’imposition. Son rendement est en grande partie destiné au financement de l’aide au développement, à hauteur de 75 %.
Quels produits sont soumis à la taxe en France ?
La TTF française s’applique à tous les titres donnant accès au capital, notamment :
- les achats d’actions, que ce soit en direct, par échange, conversion ou remboursement ;
- les bons et droits préférentiels de souscription ;
- les certificats d’investissement ;
- les droits de vote et certificats représentatifs d’actions.
L’administration fiscale publie chaque année la liste des valeurs dans le champ d’application de la TTF-Actions.
Une liste complète des sociétés assujetties à la Taxe sur les Transactions Financières est disponible sur le site officiel des impôts à cette adresse: https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/9789-PGP.html/identifiant=BOI-ANNX-000467-20241223
Quels produits sont exonérés de TTF ?
Certains produits financiers échappent à cette taxation, même si l’entreprise concernée est éligible. Sont ainsi exclus :
- les achats d’actions dans le cadre de l’épargne salariale ;
- les acquisitions réalisées lors d’une augmentation de capital ;
- les obligations d’État et celles émises par des entreprises ;
- les obligations convertibles en actions ;
- les fonds communs de placement (FCP) et les sicav ;
- les trackers et autres fonds indiciels cotés ;
- les produits dérivés tels que les options, futures, turbos et warrants.
NB : Les opérations réalisées dans le cadre d’un dispositif d’épargne salariale sont également exonérées de la TTF.
Les critiques et limites de la taxe sur les transactions financières
Dès son annonce, la TTF a été vivement critiquée par les professionnels du secteur financier. L’Association Française de la Gestion Financière (AFG) estime que son coût s’élève à 6 milliards d’euros par an pour les gestionnaires français. De son côté, l’EFAMA (association européenne de la gestion financière) avait chiffré à 13 milliards d’euros l’impact d’une TTF européenne si elle avait été mise en place dès 2011.
Les principales objections à cette taxe sont :
- Un coût élevé pour les investisseurs : en augmentant les frais de transaction, la TTF réduit l’attractivité des placements financiers.
- Une menace pour la rentabilité des fonds monétaires : ces produits nécessitent des transactions fréquentes, et une taxation supplémentaire pourrait réduire leur rentabilité jusqu’à un niveau négatif.
- Un risque de délocalisation : face à cette fiscalité accrue, de nombreux gestionnaires pourraient choisir de s’installer dans des pays ne pratiquant pas la TTF, comme le Luxembourg ou l’Irlande, ce qui aurait un impact social et économique.
Malgré ces critiques, la TTF française a généré 1,9 milliard d’euros de recettes en 2022. Cependant, l’AMF note une réduction de 10 % des volumes échangés à long terme, ce qui pourrait limiter son efficacité.
Avenir incertain pour la TTF
Si la taxe sur les transactions financières génère des recettes non négligeables, son impact global reste sujet à débat. En France, elle s’applique de manière stricte, mais au niveau européen, le projet peine à voir le jour. Entre les critiques des professionnels, le risque de délocalisation et l’incertitude sur l’affectation des fonds, la TTF est loin d’être une solution parfaite.
Son avenir dépendra en grande partie des décisions politiques à venir et de la capacité des États européens à s’accorder sur un cadre commun. En attendant, les investisseurs et gestionnaires de fonds doivent composer avec cette taxation, qui modifie les règles du jeu sur les marchés financiers.