Le marché des entreprises représente une part majeure des ventes de voitures neuves en France – plus du tiers en 2024. Mais à partir du 1er février 2025, un changement de fiscalité risque de bouleverser cette dynamique. En cause : de nouvelles règles de calcul des avantages en nature (AEN) qui s’appliquent aux véhicules mis à disposition des salariés. Ces modifications auront des impacts directs sur les entreprises comme sur les salariés, avec des charges accrues pour les premières et un salaire net réduit pour les seconds.
Plus d’impôts, moins de salaire net pour les salariés
Jusqu’à présent, l’avantage en nature lié à un véhicule de fonction était calculé selon des règles forfaitaires plutôt favorables. À compter du 1er février 2025, tout change. Si vous optez pour la déclaration aux frais réels, sont désormais pris en compte :
- l’amortissement du véhicule : 10 % du coût d’achat si le véhicule a plus de 5 ans, 20 % sinon ;
- l’assurance et les frais d’entretien ;
- pour les véhicules loués, le coût total de la location s’ajoute ;
- les frais de carburant si pris en charge par l’employeur.
Le montant de l’avantage est ensuite proportionné à l’usage privé du véhicule. Autrement dit, plus vous utilisez la voiture à titre personnel, plus vous payerez.
Forfaits revus à la hausse
Les règles de calcul forfaitaire sont elles aussi alourdies :
- pour un véhicule acheté de moins de cinq ans : 15 % du prix remisé, voire 20 % si l’employeur paie le carburant ;
- pour un véhicule de plus de cinq ans : 10 %, voire 15 % avec carburant pris en charge.
Avant, on parlait de 9 %, voire 6 % pour les véhicules anciens, et d’un forfait global limité à 12 % en cas de prise en charge du carburant. Ces anciennes valeurs restent valables uniquement pour les véhicules attribués avant fin janvier 2025.
Pour les entreprises ayant recours à la location longue durée, la base forfaitaire passe à 50 % du coût global annuel (location, entretien, assurance), contre 30 à 40 % auparavant. Si l’employeur couvre les frais de carburant, le forfait grimpe même à 67 %.
Autrement dit, l’administration a revu à la hausse tous les coefficients. Objectif non avoué : augmenter les rentrées fiscales et sociales, au détriment du pouvoir d’achat net des salariés et des charges des entreprises.
Les véhicules électriques mieux traités
Face à cette sévérité, une exception : les véhicules 100 % électriques. Le législateur a clairement fait un choix politique en leur faveur.
Recharge gratuite sans fiscalité
Si l’employeur paie la recharge électrique (y compris à usage privé), cela n’est pas pris en compte dans le calcul de l’avantage en nature, à condition que la recharge se fasse sur le site de l’entreprise. Si une borne est installée au domicile du salarié et prise en charge (partiellement ou totalement) par l’employeur, l’avantage est exonéré de cotisations sociales à hauteur de :
- 1 043,50 € pour une borne récente ;
- 1 565,20 € pour une borne de plus de 5 ans.
En cas de fin de contrat, aucune régularisation n’est imposée sur ces frais. Une manière discrète mais efficace de pousser les flottes d’entreprise vers l’électrique.
Abattement fiscal renforcé jusqu’en 2027
L’abattement forfaitaire sur les AEN pour véhicules électriques passe de 50 % (plafonné à 2 000,30 €) à 70 %, dans la limite de 4 582 € par an. Ce régime préférentiel est toutefois temporaire : il court jusqu’au 31 décembre 2027.
Mais attention, seuls les véhicules dits « vertueux » peuvent en bénéficier, c’est-à-dire ceux atteignant un score environnemental d’au moins 60 points selon les critères de l’Ademe (émissions de CO₂ lors de la fabrication, lieu de production, etc.).
Les aides CEE pour l’achat d’un véhicule électrique
Autre incitation méconnue : le système des certificats d’économie d’énergie (CEE). À l’instar des aides à la rénovation thermique, les entreprises peuvent obtenir une aide directe pour l’achat d’un véhicule zéro émission, en fonction du nombre de kWh Cumac alloués.
Combien peut-on toucher ?
- Pour une entreprise ou une filiale gérant moins de 100 véhicules :
➜ 74 200 kWh Cumac, soit une aide d’environ 556,50 € (à 7,50 €/MWh Cumac). - Pour une entreprise ou une filiale gérant 100 véhicules ou plus :
➜ 59 400 kWh Cumac, soit une aide d’environ 445,50 €.
Des montants bien en deçà de l’ancien système de bonus écologique, qui permettait jusqu’à 3 000 € d’aide pour les personnes morales.
Une réforme qui pousse vers l’électrique, à marche forcée
Ces nouvelles règles vont profondément modifier les arbitrages des entreprises dans le choix des véhicules de fonction. D’un côté, les modèles thermiques sont fiscalement pénalisés, de l’autre, les véhicules électriques bénéficient d’un traitement de faveur massif.
« Les nouvelles règles vont inciter les entreprises à passer à l’électrique et avoir des conséquences importantes sur la composition de l’offre de voitures proposées aux salariés »
« Mais encore faut-il que l’activité des salariés soit compatible avec l’électrique, ce qui n’est pas toujours le cas malgré les progrès sur l’autonomie. »
Une réforme fiscale habillée en politique environnementale, qui risque de gripper la fluidité de certaines mobilités professionnelles. Les entreprises devront faire des choix serrés entre coûts fiscaux, contraintes opérationnelles, et impératifs RSE.