La santé coûte cher aux Français, et pas seulement à cause du trou de la Sécurité sociale. En 2023, les ménages ont dû sortir de leur poche + de 18,6 milliards d’euros pour financer soins et biens médicaux, selon la Drees, le service statistique du ministère de la santé.
Une facture de plus en plus lourde pour une majorité, même si dans les faits, la situation est plus nuancée que les chiffres bruts ne le laissent entendre.
Pourquoi les dépenses de santé explosent
Depuis 2013, les dépenses de soins et de biens médicaux ont bondi d’un tiers, atteignant 249 milliards d’euros. Plusieurs facteurs expliquent cette hausse : d’abord, l’augmentation et le vieillissement de la population. Ensuite, l’effet retard des revalorisations salariales des soignants imposées par le Ségur de la santé en 2020. Enfin, le poids croissant des traitements innovants, notamment contre les cancers, dont le coût est devenu vertigineux.
L’État finance toujours, mais à sa manière
Contrairement aux discours alarmistes, la France reste l’un des pays de l’OCDE où la prise en charge publique est la plus élevée : plus de 80 % des dépenses de santé sont financées par l’État, contre 77 % il y a 10 ans. Mais ce financement massif s’accompagne de stratégies pour limiter la progression des dépenses : généralisation du 100 % santé, négociations de remises avec les laboratoires pharmaceutiques, et transfert discret de charges vers les complémentaires santé.
Reste à charge moyen par Français : 274 euros
En 2023, après remboursement par la Sécurité sociale et les mutuelles, un Français a dû payer en moyenne 274 euros de sa poche, contre 233 euros en 2013. Si en valeur absolue, le montant grimpe, il diminue en proportion, passant de 9,9 % à 7,5 % des dépenses de santé en dix ans.
Cette baisse relative est due à l’effort croissant de la collectivité pour limiter l’impact du reste à charge. Mais ce que montrent moins les chiffres globaux, ce sont les disparités individuelles, notamment liées à l’âge. En vieillissant, les dépenses de santé explosent : multipliées par onze entre 25 et 85 ans. Le reste à charge, lui, est multiplié par cinq, passant de 200 à 1 000 euros en moyenne par an.
Affections longue durée : la facture cachée
Pour les patients en affection longue durée (ALD), qui représentent près des 2/3 des personnes les plus malades, le reste à charge moyen a atteint 840 euros par an en 2023. Mais ces données minimisent la réalité. Une enquête de France Assos Santé révèle que, en tenant compte des frais dits invisibles (psychothérapie, thérapies complémentaires, aménagement du domicile…), la facture grimpe à 1 623 euros par an.
Le prix des mutuelles s’envole
Le coût des complémentaires santé pèse lourd. En 2023, la prime mensuelle moyenne pour un contrat individuel oscillait entre 33 euros pour un jeune de 20 ans et 146 euros à 80 ans. Pour les contrats collectifs, les salariés déboursaient en moyenne 68 euros par mois, dont la moitié est prise en charge par l’employeur.
Les personnes âgées subissent une double peine : entre 2019 et 2021, les primes individuelles des plus de 65 ans ont grimpé de 10 à 12 %, contre seulement 3 % pour les contrats collectifs. Résultat : à la retraite, tout augmente – primes d’assurance et reste à charge – sans augmentation proportionnelle des revenus.
Un transfert de charges silencieux
En vérité, l’État se désengage lentement mais sûrement des soins courants (consultations en ville, médicaments) en renforçant sa participation sur les soins lourds (hospitalisations, traitements complexes). Ce déplacement du financement vers les complémentaires bouleverse la logique de solidarité : avec les mutuelles, chacun paie selon son risque et non selon ses moyens. Plus on est vieux, plus on paye cher. Et malgré le dispositif de complémentaire santé solidaire, 5 % des Français – et même 12 % des plus précaires – restent sans mutuelle.
La question n’est donc plus de savoir si la santé est chère, mais de constater que notre modèle de financement, en accentuant les inégalités, pose un problème de justice sociale.