L’accès à un compte bancaire personnel peut sembler évident pour beaucoup. Pourtant, en France, près d’une femme sur quatre vivant en couple n’en dispose pas. C’est une réalité silencieuse, largement ignorée, qui entretient la dépendance économique et empêche nombre de victimes de violences conjugales de quitter leur foyer. Les violences économiques constituent souvent la face cachée des violences domestiques, et elles sont aussi destructrices que les violences physiques ou psychologiques. Sans autonomie financière, impossible de partir, de se protéger ou simplement de reprendre la maîtrise de son quotidien.
Face à cette situation, certaines banques françaises ont enfin décidé de bouger, après des années d’immobilisme. Sous la pression d’associations comme la Fédération Nationale Solidarité Femmes et grâce à la médiatisation du sujet, La Banque Postale et le Crédit Mutuel ont mis en place des dispositifs permettant aux femmes victimes de violences conjugales d’ouvrir un compte bancaire en urgence et en toute discrétion. Ces initiatives restent limitées mais constituent, pour certaines, une avancée tangible. Reste à comprendre comment elles fonctionnent vraiment, quels services sont proposés, à quelles conditions et dans quelles limites.
Voici, pour les victimes et les professionnels qui les accompagnent, comment ouvrir un compte bancaire secret rapidement, sans risquer d’être repérées par un conjoint violent.
Pourquoi l’ouverture d’un compte secret peut sauver une victime
L’enjeu financier est souvent déterminant dans les situations de violences conjugales. Beaucoup de victimes ne disposent pas d’un revenu propre, pas d’accès à un compte en leur nom, et parfois même pas de contrôle sur leurs dépenses quotidiennes. Une étude récente révèle que 28 % des femmes en couple n’ont pas de compte personnel, et près d’une sur trois dépend entièrement des revenus de son conjoint. Cette dépendance limite leurs possibilités d’action et, surtout, les expose à des représailles lorsqu’elles tentent de s’émanciper.
Dans ce contexte, disposer d’un compte bancaire secret, ouvert rapidement, permet de sécuriser des fonds personnels, de recevoir une allocation, d’obtenir une carte bancaire indépendante et de préparer une éventuelle mise à l’abri. L’ouverture d’un compte peut aussi être exigée pour certaines démarches administratives, notamment pour percevoir des aides sociales ou un salaire en cas de reprise d’activité.
Ce que propose la Banque Postale : un dispositif généralisé à 3 000 bureaux
La Banque Postale avait déjà expérimenté en interne un dispositif d’accompagnement destiné aux femmes victimes de violences. Ce programme, initialement testé dans 32 agences, est désormais étendu à l’ensemble des 3 000 bureaux de poste du territoire. Le lancement national a eu lieu le 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Ce dispositif repose sur un principe simple : permettre l’ouverture d’un compte bancaire dans un délai maximum de 24 heures après un rendez-vous. Cette rapidité n’est pas anodine. Elle permet à la victime de ne pas avoir à retourner plusieurs fois en agence, ce qui pourrait attirer l’attention du conjoint. La Banque Postale garantit également une prise en charge confidentielle et personnalisée. Parmi les mesures concrètes prévues, il existe par exemple la possibilité d’envoyer la carte bancaire à une adresse sécurisée différente du domicile, ce qui limite fortement les risques de découverte.
Le programme a été construit en partenariat avec la Fédération Nationale des Centres d’Information des Droits des Femmes et des Familles (CIDFF). Les associations jouent un rôle clé : elles orientent les victimes, valident la nécessité d’une solution sécurisée et accompagnent la constitution du dossier. Dans certains cas, elles facilitent même la prise de rendez-vous afin d’éviter que la victime ne doive expliquer sa situation à plusieurs interlocuteurs bancaires.
Le Crédit Mutuel : un compte gratuit, confidentiel et non rattaché au domicile conjugal
Depuis juillet 2024, le Crédit Mutuel propose un dispositif similaire destiné aux victimes accompagnées par la Fédération Nationale Solidarité Femmes. Trois engagements structurent cette offre.
L’ouverture du compte est d’abord rapide, afin de permettre à la victime de sécuriser sa situation financière sans délai. La banque propose également une gratuité totale du compte pendant un an, un avantage non négligeable pour des personnes souvent à court de ressources. Enfin, la confidentialité est centrale : le compte n’est pas rattaché à l’adresse du domicile conjugal. Cela évite que le conjoint puisse découvrir son existence en fouillant les courriers, en accédant aux relevés ou en consultant les documents administratifs.
En pratique, cette non-association à l’adresse familiale constitue une protection essentielle dans les foyers où le contrôle financier est étroit et où chaque document administratif peut être intercepté.
Comment se déroule l’ouverture d’un compte secret ?
Dans les 2 banques, la procédure suit un schéma identique : discrétion maximale, accompagnement personnalisé et ouverture en urgence.
La victime est généralement orientée par une association spécialisée (Solidarité Femmes, CIDFF). Ce passage par une structure compétente sécurise les démarches et permet d’éviter que la personne ne se retrouve face à un conseiller non formé au sujet. L’association peut prendre rendez-vous, préparer les pièces justificatives et expliquer la situation à l’avance à la banque.
Le jour du rendez-vous, l’ouverture s’effectue en agence avec un conseiller sensibilisé. Les formalités administratives sont réduites à l’essentiel pour aller vite et limiter l’exposition de la victime. Les informations confidentielles sont traitées en dehors des circuits habituels, afin d’éviter toute fuite vers le conjoint. Dans certains cas, les banques acceptent que l’adresse d’envoi soit celle d’une association ou d’un lieu tiers sécurisé.
En moins de 24 heures pour la Banque Postale, et parfois dans la même journée au Crédit Mutuel, le compte est activé. La victime peut alors utiliser un RIB, recevoir un virement ou une allocation, et accéder à une carte bancaire expédiée à une adresse protégée. Cette étape est souvent décisive pour entamer un parcours de sortie des violences.
Attention ! Les annonces de la Banque Postale et du Crédit Mutuel, c’est sympa mais ouvrir un compte à la Banque Postale n’a jamais été simple ET, dans les annonces faites, aucune procédure RAPIDE de ce qui a été appelé « droit de l’ouvrir » n’a été détaillé hormis que xxxx conseillers allaient être formés.. En ce qui concerne le Crédit Mutuel, l’accent est mis sur le fait que le compte est « secret » (pas de domiciliation) et gratuit mais rien n’est dit sur la vitesse.
De manière générale, sans doute que les banque veulent aussi se « protéger » contre tous les arnaqueurs qui utiliseront ces dispositifs pour ouvrir des comptes qui leur permettront de recevoir de l’argent détourné et volé …
Ces dispositifs restent utiles mais insuffisants
Même si ces initiatives bancaires constituent une avancée, elles ne suffisent pas à régler l’ensemble du problème de la dépendance économique. Les chiffres sont éloquents : 30 % des femmes en couple ne disposent pas d’un revenu indépendant. Sans ressources propres, il reste extrêmement difficile de quitter un conjoint violent, de se reloger, de financer un trajet ou de faire face aux premières dépenses en situation d’urgence.
L’ouverture d’un compte secret représente un premier pas essentiel, mais elle doit s’inscrire dans un accompagnement global incluant l’accès aux droits sociaux, l’aide juridique, la mise à l’abri, l’accompagnement psychologique et les démarches auprès des services sociaux. Les banques ont un rôle à jouer mais elles ne peuvent combler à elles seules l’ensemble des défaillances administratives.
Pouvoir ouvrir un compte bancaire secret, rapidement et en toute discrétion, change concrètement la vie des femmes victimes de violences conjugales. Cela leur permet de récupérer un espace financier personnel, de percevoir des aides et de préparer une mise à l’abri. Les dispositifs de la Banque Postale et du Crédit Mutuel vont dans le bon sens : ouverture en urgence, confidentialité renforcée, accompagnement des associations, gratuité temporaire pour certaines offres.
Ce ne sont pas des solutions miracles, mais ce sont des outils concrets, utilisables immédiatement, qui permettent aux victimes de faire un premier pas essentiel vers la sécurité et l’autonomie.
