La généralisation de la facture électronique est présentée par l’État comme une mesure de simplification et de modernisation. Mais derrière cette communication se cache (outre le but principal de vérification et de lutte contre la fraude) un effet direct sur la gestion des délais de paiement. La réforme ne réduit pas mécaniquement les retards, mais elle modifie en profondeur la manière dont les entreprises gèrent leurs règlements. Voilà pourquoi.
Des factures rejetées = des paiements bloqués
Avec la facture électronique, une erreur de format, une donnée manquante ou un défaut de transmission entraîne immédiatement le rejet de la facture par la plateforme de dématérialisation. Or, une facture rejetée n’est pas considérée comme émise. Résultat : le délai de paiement ne commence même pas à courir.
Un dirigeant qui pensait avoir facturé son client peut donc se retrouver face à un blocage de trésorerie, uniquement parce que sa facture n’était pas conforme au format exigé.
Un contrôle automatique qui renforce la pression
Jusqu’à présent, de nombreuses entreprises jouaient sur la souplesse des délais : factures envoyées en retard, mentions incomplètes, tolérance des clients. Avec l’automatisation, cette marge disparaît. Chaque facture doit être parfaite dès l’émission, sinon elle sera rejetée.
Cette rigueur technique renforce la pression sur les équipes administratives et comptables. Le moindre manquement peut retarder d’autant le paiement, avec un effet immédiat sur la trésorerie.
Un risque accru pour les PME et TPE
Les grandes entreprises disposent souvent de processus robustes et d’équipes capables de corriger rapidement un rejet. Les PME et TPE, elles, sont beaucoup plus exposées. Un rejet répété ou non détecté peut rapidement créer un trou de trésorerie difficile à combler.
De plus, certains clients peu scrupuleux pourraient profiter de ces rejets pour retarder volontairement le règlement, en invoquant la non-conformité des factures reçues.
Un levier potentiel de réduction des retards
À l’inverse, la facture électronique pourrait aussi devenir un outil de lutte contre les retards de paiement. En automatisant la transmission et la réception, en supprimant les erreurs de saisie et en assurant une traçabilité complète, elle permet d’accélérer la mise en paiement des factures conformes.
Les entreprises qui anticiperont la réforme et sécuriseront leurs processus internes auront donc un avantage compétitif en améliorant leur rotation de trésorerie.
Le rôle des experts-comptables et avocats
Les experts-comptables doivent alerter leurs clients : la facture électronique ne pardonnera aucune approximation. Il faudra former les équipes, sécuriser les outils et mettre en place un suivi rigoureux des rejets. Les avocats, quant à eux, devront anticiper les litiges liés à des paiements retardés pour cause de non-conformité et sécuriser les contrats commerciaux pour protéger les entreprises.
En clair, la facture électronique ne réglera pas le problème des délais de paiement par magie. Elle imposera une discipline stricte qui peut être une menace ou une opportunité selon la préparation de l’entreprise.
Et bien sûr, parions que les experts-comptables en profiteront pour demander + d’argent à leurs clients …