L’accord Bâle III est devenu la pierre angulaire de la régulation bancaire moderne depuis l’effondrement du marché des subprimes. Cette réforme a été pensée pour corriger les failles du dispositif précédent et renforcer la stabilité du système financier. Elle influe aujourd’hui sur les conditions d’octroi des crédits, les politiques des grands groupes bancaires et la sécurité de l’épargne des particuliers. Comprendre son fonctionnement permet de mieux saisir les choix imposés aux banques françaises et l’impact concret sur les clients.
La crise de 2008 a mis à nu les insuffisances de Bâle II. Les modèles internes utilisés par les banques étaient si sensibles au cycle économique qu’ils amplifiaient les phases d’euphorie. Lorsque les marchés allaient bien, les exigences en capital diminuaient automatiquement, encourageant les banques à accroître leur prise de risque alors que les tensions sous-jacentes s’intensifiaient.
Le risque de crédit était lui aussi mal appréhendé. Les pertes potentielles liées à la dégradation de solvabilité d’une contrepartie n’étaient presque pas prises en compte, alors même que ces fluctuations ont été au cœur des pertes massives enregistrées pendant la crise. À cela s’ajoutait un risque opérationnel évalué à l’aide de modèles hétérogènes, peu fiables et souvent impossibles à comparer entre établissements.
Ces failles ont rendu nécessaire une refonte complète du cadre de régulation, conduisant à l’élaboration de Bâle III.
Bâle III introduit une classification plus rigoureuse des fonds propres. Le capital de base CET1 regroupe les actions ordinaires et les bénéfices mis de côté, tandis que le capital additionnel AT1 inclut des instruments capables d’absorber les pertes, comme les obligations convertibles en actions lorsque la santé financière de la banque se dégrade. Les seuils minimaux sont désormais fixés à 4,5 % pour le CET1, 6 % pour le Tier 1 et 8 % pour le total Tier 1 + Tier 2.
Le Tier 3, utilisé autrefois pour couvrir certains risques de marché, disparaît totalement.
Les régulateurs ont imposé un plancher strict pour les banques utilisant des modèles internes. Les exigences en capital issues de leurs calculs ne peuvent plus descendre en dessous de 72,5 % de celles obtenues avec la méthode standard. Certaines catégories d’actifs, notamment les actions, doivent être évaluées exclusivement selon cette approche standardisée.
Le calcul du risque de marché évolue également. L’ancienne Value-at-Risk, jugée trop permissive, est remplacée par l’Expected Shortfall, une méthode plus sensible aux scénarios extrêmes.
La réforme introduit le risque CVA, qui correspond à la perte de valeur d’un actif liée à la baisse de solvabilité d’une contrepartie. Par exemple, si une banque détient un contrat de swap avec une entreprise notée BBB et que cette note chute à B, la valeur du contrat décroît immédiatement, même sans défaut effectif. Ce type de perte doit désormais être couvert par des fonds propres spécifiques.
Bâle III fusionne les anciennes approches en une méthode unique reposant sur les revenus de la banque et ses pertes passées. Cette méthode renforce le caractère prudentiel du dispositif, car le risque opérationnel augmente désormais plus rapidement lorsque la taille de l’établissement croît. Les banques ne peuvent donc plus réduire artificiellement leur risque déclaré grâce à des modèles internes complexes.
Bâle III clarifie la séparation entre le trading book, destiné aux activités de marché à court terme, et le banking book, qui rassemble les actifs gardés durablement. Le premier est exposé aux fluctuations de marché, tandis que le second est soumis avant tout au risque de crédit. Cette distinction influence directement les exigences en capital, puisqu’un même actif peut entraîner des contraintes différentes selon le compartiment auquel il appartient.
L’une des grandes innovations de Bâle III est l’introduction d’une dimension macroprudentielle. Au lieu de se concentrer uniquement sur la solidité individuelle de chaque banque, le nouveau cadre prend en compte l’ensemble du système financier.
Le coussin de conservation impose à toutes les banques de détenir 2,5 % de CET1 supplémentaire. Il constitue une marge temporaire en période de tension, évitant à l’établissement d’entrer immédiatement dans une zone de fragilité sévère.
Le coussin contracyclique peut atteindre 2,5 % supplémentaires lorsque les risques financiers augmentent. Il agit comme un frein lorsque le crédit s’emballe.
Les banques systémiques, celles dont la faillite pourrait entraîner des effets en chaîne dans tout le système, doivent constituer un coussin spécifique pouvant monter jusqu’à 3,5 %. En France, BNP Paribas, Crédit Agricole, BPCE et Société Générale sont concernées.
Enfin, le coussin de risque systémique SyRB permet de couvrir des risques propres à un pays ou à un secteur, comme l’endettement excessif de certaines entreprises. En France, il atteint 3 % pour plusieurs grandes banques depuis 2021.
Pour éviter que les banques ne masquent une accumulation excessive de risques derrière des modèles sophistiqués, Bâle III instaure un ratio de levier fondé sur un calcul direct : les fonds propres Tier 1 divisés par l’ensemble des expositions, qu’elles soient au bilan ou hors-bilan. Le ratio minimal est fixé à 3 %, avec une surcharge supplémentaire pour les banques systémiques.
Cette mesure vise à empêcher la constitution de leviers financiers dangereux et sert de filet de sécurité si les modèles fondés sur le risque s’avèrent défaillants.
La crise a démontré qu’une banque peut être solvable tout en étant incapable de rembourser ses dettes à court terme. Pour éviter ces situations, Bâle III introduit deux ratios de liquidité.
Le LCR oblige les banques à détenir suffisamment d’actifs liquides de haute qualité pour couvrir les sorties de trésorerie prévues sur trente jours. Ces actifs doivent être faciles à vendre et conserver une valeur stable, comme certains titres d’État.
Le NSFR garantit la solidité financière sur un horizon d’un an. Il impose que les ressources stables couvrent les besoins de financement associés aux actifs moins liquides, en fonction de leur maturité et de leur nature.
Bâle III n’est pas qu’une affaire de technocrates. Ses exigences expliquent en grande partie les politiques de crédit plus strictes, l’évolution des taux appliqués aux prêts et la prudence accrue des banques lorsqu’elles évaluent les profils emprunteurs. De manière indirecte, ces normes influencent les conditions d’accès au crédit immobilier, la capacité d’emprunt des ménages et la gestion des risques par les banques françaises.
En résumé, Bâle III transforme silencieusement le fonctionnement des banques françaises et la manière dont elles appréhendent les risques. En renforçant les fonds propres, en encadrant les modèles internes et en imposant de nouvelles contraintes de liquidité, la réforme vise à réduire la probabilité de crises majeures. Elle n’empêche pas les tensions économiques, mais elle impose aux établissements une discipline plus stricte pour protéger l’ensemble du système financier.
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